Page:Banville - Critiques, 1917, éd. Barrucand.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26 septembre 1849

On ne voit guère qu’en province des assemblées pareilles à celles d’hier, composées exclusivement de gens du monde[1].

Disons-le en passant, aucun public habituel des théâtres de Paris ne peut être comparé à ce public terrible. Pour émouvoir ces gens froids, blasés, ennuyés, habiles à contenir leurs sensations, rompus à tous les mensonges des salons, combien de luttes réunies, dans toutes lesquelles il faut triompher à la fois ! Non pas qu’individuellement, peut‑être, les gens du monde soient moins accessibles que les autres aux chefs-d’œuvre des arts ; mais réunis ils deviennent implacables, parce qu’ils ont honte de leur émotion, de leurs sourires et surtout de leurs larmes. Il faut leur plaire et les émouvoir malgré eux ; bien plus, il faut leur ressembler pour être compris et admis par eux ; il faut les attaquer avec leurs propres armes, la distinction et l’élégance, la finesse délicate et enjouée, ces qualités qu’il est si difficile d’unir réellement à la passion dramatique

  1. Écrit à propos de la représentation donnée sur Le théâtre de Saint-Cloud au bénéfice des pauvres de Paris.