Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans la flamme, pareille à des oranges mûres,
Ce sont les Dieux, casqués, mitrés, couverts d’armures,
Bourreaux du néant sombre et du marais hideux.
On les voit désolés et tristes. Autour d’eux,
Parmi les feux rougis, passent des chars qui roulent
Et des fleuves de feu dans la clarté s’écroulent.
Des animaux, chevaux, grands lions, aigles roux,
Brillent dans un éclair d’orage et de courroux ;
Et devant tous les rois apparaît, la première,
Une figure blanche et faite de lumière,
Dont le visage clair et pénétré de jour
Épand une clarté de douceur et d’amour.
Et les Dieux dans le ciel brûlant qui s’irradie
Se tordent, frémissants, mordus par l’incendie.
Sentant s’ouvrir pour eux le gouffre incandescent,
Ils exhalent enfin leur plainte, et s’adressant
À l’homme, qui n’a plus d’espoir ni de bravoure,
Cependant que la flamme atroce les entoure
Et dévore leurs fronts vermeils et leurs cheveux,
Ils disent : Nous mourons parce que tu le veux !


Jeudi, 27 janvier 1887.