Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/92

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Tous chantent son orgueil et célèbrent sa gloire.
Ils disent : Si ta coupe est la mort, j’y veux boire.
Je veux manger ta chair, je veux mordre tes lys !
Cléopâtre, Astarté, Phryné, Sémiramis,
Je t’adore ! Je veux dans ta glauque prunelle
Puiser incessamment la Démence éternelle.
Et la Dominatrice étonne les cieux clairs
De ses yeux glorieux, pleins d’astres et d’éclairs ;
Sa toison folle est comme un boisseau d’or qu’on pèse ;
Le Désir la caresse et le Regard la baise.
Les hommes sur ses pas, ainsi qu’un vil troupeau,
Se pressent, alléchés par l’odeur de sa peau ;
Elle a, pour triompher dans les apothéoses,
Sur son front la tiare et sur son flanc des roses.
Elle marche, riante, au bord des claires eaux ;
À l’entour de son front voltigent des oiseaux ;
Des chats voluptueux, des belettes lascives
La suivent, lentement, en montrant leurs gencives.
Sur son corsage aux fiers contours, les diamants
Fleurissent éblouis, en lys blancs et charmants ;
Derrière elle, avec un murmure qui la flatte,
Courent les flots pompeux de sa jupe écarlate,
Et tout en elle est joie, enchantement, parfum.
Mais tout à coup le vent affolé soulève un