Page:Banville - Eudore Cléaz, 1870.djvu/15

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pensé Cléaz selon ses mérites en lui donnant ce trésor réservé à quelques rares élus, une fille qui fut véritablement la fille de sa pensée et dont les traits ne furent pas dessinés à l’image des siens, mais à l’image même de son rêve ? Car non-seulement Eudore avait hérité de sa science prodigieuse, naturellement et par un miracle d’amour, sans qu’il eût besoin de la lui inculquer par des moyens humains et terrestres ; mais, blanche, svelte, couronnée de ses éblouissants cheveux d’or, avec ses traits pareils à ceux de la plus pure médaille syracusaine, elle ressemblait à ces nymphes, à ces divinités de ses poètes chéris qui marchaient dans les noirs bocages de myrtes et près des eaux sacrées de Dircé, portant la ceinture de pourpre et l’urne d’argent !

Tout à coup un large et brillant rayon de soleil, traversant les vitres que couvraient de minces rideaux de mousseline, embrasa de sa lumière les livres et les papiers épars sur la grande table de travail.

« Allons, mon père, dit Eudore, voici le moment d’aller faire au Luxembourg notre petite promenade quotidienne. » Et elle se mit à fermer, à ranger les majestueux in-quarto, que le vieillard se laissait prendre l’un après l’autre comme à regret et avec une sorte de résignation enfantine.

« Ah ! dit-il en se levant enfin et en boutonnant sa pauvre redingote râpée, je le reconnais, ce soleil d’or ! Te rappelles-tu qu’il y a justement un an aujour-