Page:Banville - Eudore Cléaz, 1870.djvu/29

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qu’embellissait votre angélique tendresse. Aimer celle que vous aviez secourue, lui donner aussitôt dans sa pensée toute une vie honorée et glorieuse, n’était-ce pas faire monter vers vous la plus parfaite des adorations ?

— Ah ! dit Eudore, n’attribuez pas à mon action si ordinaire un bonheur qui vous était dû, et plutôt oublions toutes les deux la futile circonstance qui en a été le prétexte !

— Comment l’oublierais-je ! reprit Antonia. C’est donc que je n’ai pu vous faire comprendre en mon pauvre langage que c’est seulement sous l’éclair de vos yeux, sous la lumière de votre sourire que je suis devenue celle que Jean Saluce chérit de toutes les forces de son âme ! Lui qui, plus que tout autre homme, connaît et peut traduire la beauté, il a aimé la beauté que vous avez créée en moi, et qui est née à ce moment-là même ; car c’est à ce moment-là que l’enfant pâle et tremblante est devenue une femme, aussitôt mariée par le rayon fécondant de votre ineffable charité ! Je venais à peine de rentrer chez la pauvre Rose Mariaud, que Jean Saluce était près de nous. Je n’oublierai jamais avec quelle joie il apprit que j’étais orpheline, misérable, sans ressources, abandonnée de tout le monde excepté de cette femme qui mourait, et de l’ange qui avait vidé sa bourse dans mes petites mains. Et aussitôt, ses premiers mots furent ceux-ci : Voulez-vous être ma femme ? Et il le disait en tremblant timidement, lui, cet homme