Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/121

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fait froid, des steppes où l’on grille ; Zardo rencontre un cheval et, s’appuyant sur les reins de la bête, saute par-dessus en faisant le saut périlleux, Juguelet passe sous le ventre de l’animal, et ils vont ainsi, emportés, lancés à fond de train, soulevés par un ouragan invisible ! Tantôt Juguelet croit qu’il va atteindre Zardo ; mais tout de suite il le voit en avant de lui, à deux cents mètres. Enfin il l’atteint, et, d’une voix brisée, étranglée, affreuse, plus mort que vif, hurle et soupire ces trois mots :

— « Votre port d’armes ! »

L’artiste s’est arrêté net. Il tire de sa poche le papier demandé, et l’offre à son interlocuteur, avec la plus exquise politesse.

— « Mais alors, dit le garde fourbu, dont la poitrine ressemble à un soufflet cassé, pourquoi, en m’apercevant, vous êtes-vous mis à courir ?

— Monsieur, dit froidement l’artiste, cette assertion n’est pas exacte. D’une part je vous ai vu, et de l’autre je me suis mis à courir, parce que j’aime à courir. Mais il n’y avait aucune liaison — entre ces deux phénomènes ! »


LXVIII. — CRITIQUE LITTÉRAIRE

Vêtue d’une chemise de soie brodée de dessins capricieux, Josèphe Osti, enfoncée dans un fauteuil très bas couvert en point de Venise, lit le roman nouveau. À