Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/135

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il vient boire chez Nanette, à cause du mot café écrit sur la porte. Cependant, la dévote madame Euphrasie Fourneri se désespère. Tragique et déchevelée comme une lady Macbeth, elle tord ses bras douloureux, et s’écrie avec une sombre angoisse :

— « Ô ciel ! que je suis malheureuse ! Mon mari est au Café ! Il n’a pas pu se déshabituer du Café ! Il mène la vie de Café ! »

Et, trempant encore une fois son insuffisant mouchoir dans le flot de ses larmes, elle se demande à part soi ce à quoi elle devra se résoudre, si le Sénat, lassé de dire toujours : Non, se décide à voter la loi du Divorce.


LXXVII. — LA FILLE NAÏVE

Le père Andoche, capucin, qui est venu à Vannes prêcher le carême, est un saint laid comme un diable. Son vieux visage semble avoir été taillé à la hache dans quelque tronc d’arbre noueux, et sa barbe griffagne est comme une herbe rare que les moutons ont déjà broutée. Mais comme il sait à merveille conduire ses ouailles où il veut, tantôt par la caresse d’une voix persuasive ou, d’autres fois, à bons coups de houlette, et que, fécond en ressources pour guérir les âmes, il n’est jamais pris au dépourvu, les pénitentes abondent à son confes-