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pâle de la petite comédienne qui joue le principal rôle de la pièce, puis ses yeux d’ondine, ses lèvres un peu serrées, son visage de nacre, et enfin toute sa petite personne enfantine et bizarrement préraphaélique.

De verve, avec son modèle sous les yeux, Sabrazès improvise un excellent portrait de la petite actrice, qui serre de près la nature ; il l’embellit sans peine de deux ou trois nouvelles à la main, s’étant appris par principes à inventer les anecdotes. Puis, ayant mis sa copie dans sa poche, il vide son verre, avale le tout, chope et ingénue, et libre maintenant jusqu’à minuit, il demande une autre chope, qu’il boira en repos, sans aucune transposition anthropomorphique, et simplement — pour l’amour de la bière.


XLII. — LE BON USURIER

L’usurier Ange Aprel est charmant. Une jolie barbe naissante foisonne pour rire autour de son visage couleur de rose. Ses cheveux blonds sont coupés en forme de gril. Vêtu d’un veston de satin, d’un pantalon de satin, d’une chemise russe en soie chatoyante, chaussé de babouches en cachemire, il a l’air d’être en sucre, en confiture et en crème fouettée, et sur sa lèvre joue et s’éclaire un bienveillant sourire. Il est assis dans un large