Page:Banville - Les Belles Poupées, 1888.djvu/16

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sous les plafonds sales, où les lampes et les chandelles avaient dessiné des arabesques. Au milieu de tout cela, chevelu, ravagé, pareil à un homme de mil huit cent trente, qu’il est, Chanderlos se promenait, prenant tantôt la brosse, tantôt l’ébauchoir, d’autres fois le marteau et les petites pointes, et s’occupant à la fois des besognes les plus diverses, car il n’a pas d’ouvriers et fait tout lui seul.

Près d’une fenêtre donnant sur la cour obscure, assise sur une chaise de paille, la fille de Chanderlos, mademoiselle Barbe (j’ai su plus tard son nom) taillait, cousait les étoffes splendides, dans ses petits doigts transparents et frêles, et habillait une poupée, tandis que d’autres, couchées près d’elle sur un tabouret, attendaient leur tour. Toute mince et pâle, semblable à une fleur éclose dans une cave, toute jolie avec ses petits traits, ses yeux d’un bleu triste et ses cheveux châtains, plus légers qu’un souffle, lissés en bandeaux, mademoiselle Barbe avait l’attitude résignée et pensive des êtres, qui ne doivent jamais voir le soleil.

— Monsieur, dis-je au vieux Chanderlos qui, après un temps assez long, m’aperçut, quels sont les prix de vos poupées ?

— C’est selon, dit-il. Pour un bourgeois, car vous êtes, je pense, un simple bourgeois ?