Page:Banville - Les Belles Poupées, 1888.djvu/21

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titre seulement que mes poupées peuvent causer avec vous. Après les avoir écoutées, vous connaîtrez tous les mouvements sérieux ou bouffons qui animent la vie, et pour égaler Balzac lui-même, il ne vous manquera plus rien que l’invention, le génie, l’esprit, l’imagination et le style.

— À la bonne heure, dis-je, voilà qui va des mieux ; mais, monsieur Chanderlos, expliquez-moi comment vous êtes parvenu à savoir modeler ces figures où se confondent si impeccablement la nature et l’art, et à qui il manque seulement des âmes, si toutefois les poupées n’en ont pas, ce qu’il faudrait démontrer.

— Monsieur, dit Chanderlos, j’ai subi des transformations diverses. D’abord statuaire, élève du baron Bosio et prix de Rome, j’ai exécuté en marbre des Thémistocles et des statues de l’Abondance, qui, achetés par le Gouvernement, ont orné les jardins publics ; car il y a de sots métiers ! Mais enfin, j’ai éprouvé le besoin de rompre avec les pompiers de la tragédie, aussi horribles que les vrais pompiers sont utiles et magnifiques ! Je me suis remis à étudier le dessin, d’abord avec le père Ingres, puis avec mon camarade Alfred Dehodencq, et ces deux grands hommes m’ont appris à savoir, le crayon à la main, fixer immédiatement un