Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, continua la cruelle mégère, que voulez-vous que nous fassions avec ce crétin, avec ce méchant homme qui nous fait tourner les sangs ! Ah ! monsieur, si vous pouviez obtenir qu’on nous le mette aux Incurables ! À quoi est-ce bon, un ivrogne pareil ? À se faire du mal et à en faire aux autres. Ah ! fichue galère !

La vieille femme adressait à Céliane des gestes suppliants.

— Chère, chère Aglaé ! s’écria gracieusement Margueritte en s’approchant subitement de Vandevelle. Puis, lui tournant le dos par un mouvement exécuté avec beaucoup de prestesse, il tendit derrière lui sa main ouverte. Vandevelle y mit les deux billets de mille francs, que le fou escamota avec une adresse inouïe. Feignant alors de voir, sur le collet d’habit de Vandevelle, une peluche qu’il voulait enlever, il se baissa vers lui et lui jeta tout bas dans l’oreille ces mots étranges :

— Chez le chaudronnier ! chez le chaudronnier !

Il paraissait déjà arrivé au dernier degré de l’ivresse. Il alla à son armoire et but deux verres d’eau-de-vie, puis il revint vers nous, la taille droite et l’œil presque brillant.

— Ah ! nous dit-il, on est bien heureux d’être… d’être… d’être… (Il alla à l’armoire et but.) aimé comme je le suis, parce que, voyez-vous, il y a des… il y a des… (Il alla à l’armoire.) artistes… qui ne sont pas… heureux en… (Il alla à l’armoire.) ménage, et alors… (Puis, tout bas à Vandevelle.) Chez le chaudronnier ! chez le chaudronnier !

— Pierre, mon bon fils, dit la mère éperdue, prends garde, ne t’anime pas ainsi, par pitié !

Margueritte lui jeta un regard de haine.