Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/198

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— Et le mien ! dit un jeune maestro, auteur d’une symphonie à succès, le mien joue de la clarinette chez moi, malgré moi, et je le souffre !

— Vous voulez dire que vous en souffrez, dit le peintre.

— Pourquoi le souffrez-vous ? hasarda timidement un petit astre encore non découvert, ce qu’on pourrait appeler un poëte lyrique de première année.

— Il le fââllait ! reprit le musicien en parodiant le grand Bilboquet.

Et la conversation continua sur ce ton, chacun se renvoyant le mot, si bien comparé par Balzac à la balle élastique des écoliers.

— Le mien, dit quelqu’un, apporte chez moi des opéras comiques !

— Comiques ! C’est inouï ! Vous cire-t-il vos bottes ?

— Quelquefois.

— Enfin ! pourvu qu’il ne vous fasse pas cirer les siennes !

— Cela s’est vu. Un de nos plus grands poëtes a écrit des feuilletons tout exprès pour raconter à l’Europe les étourderies de son nègre. Voilà un garçon qui savait se faire cirer ses bottes par son maître ! Quand les théâtres envoyaient des loges, ce charmant jeune homme, qu’on appelait Abdallah, faisait son choix dans le paquet de billets, et allait voir, en partie fine, un vaudeville selon son cœur.

— Faisait-il le feuilleton, au moins ?

— Allons donc ! Pour qui le prenez-vous ? Par exemple, quand son maître l’envoyait toucher de l’argent dans quelque boutique, il s’acquittait scrupuleusement de la commission.

— Bah ! il rapportait l’argent ?