Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/248

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rait pas pu se douter qu’il se donnait des peines inutiles.

Dès le premier moment, Minette s’était donnée à lui corps et âme en pensée ; elle l’aurait suivi au bout du monde sans lui demander seulement : M’aimez-vous ? et si Couturier lui avait dit : Je veux te tuer, elle n’aurait senti que du bonheur en tendant sa gorge au couteau. Il aurait pu la prendre dans ses bras, échevelée, et l’emporter où il aurait voulu, elle ne se serait pas détournée pour regarder derrière elle ! Les gens vicieux ne croient jamais à ces amours-là, et c’est leur punition. Couturier se contentait de serrer à la dérobée la main de Minette, et il ne s’apercevait pas qu’elle recevait cette caresse banale comme une faveur inespérée. Une fois pourtant il la rencontra seule au théâtre dans une pièce peu éclairée, et elle le regarda avec un abandon si passionné, que Couturier la prit dans ses bras et posa sur sa bouche un long baiser. Toute renversée en arrière, Minette sentit son cœur battre un grand coup ; tout son sang s’agita : elle crut mourir. Quelqu’un venait : Couturier, qui entendit du bruit, se sauva précipitamment, et Minette s’en alla avec le ciel dans son cœur.

À présent Minette avait trouvé ses vertes Florides ; elle y marchait parmi les fleurs en écoutant chanter les oiseaux et murmurer les fontaines ! Libre et joyeuse, elle allait, appuyée sur le bras du bien-aimé, livrant ses mains aux baisers, sa chevelure aux folles brises. Elle s’enivrait de parfums ; elle s’arrêtait sous les berceaux de jasmins, pour y regarder passer les beaux papillons et les scarabées au corsage d’or. Elle se délassait au murmure des flots argentés ; elle guérissait sa tête brûlante dans la fraîcheur des nuits d’étoiles. Quant à sa vie réelle, qu’était-ce auprès de ces rêves ? Ses souf-