Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/287

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même pensée, avec un même espoir, avec un même rêve !

— Et alors, reprit Raoul, quand j’avais pensé à un ruban ou à une fleur, le soir je vous revoyais, et le ruban était sur votre robe, et la fleur était dans vos cheveux ! car alors votre âme était sœur de la mienne et nous nous comprenions sans rien dire ; mais depuis !…

— Et, s’écria madame de Lillers, comme entraînée par son souvenir, lorsque j’ai senti mon cœur battre comme s’il allait se briser, et que je suis tombée dans tes bras en te disant la première : je t’aime ! réponds, Raoul, te trompais-je alors !

— Oh ! tu m’aimes ! Sylvanie !

Raoul allait parler encore, lorsque, malgré le galop effréné des chevaux, la belle tête de Sylvanie se pencha jusqu’aux lèvres du jeune homme et lui ferma la bouche avec un baiser.

Ô mystère ! de perfidies en perfidies, Raoul était allé au fond du cœur de cette femme et il en avait vu les déserts de glace dans toute leur sinistre étendue.

Eh bien, il avait suffi à Sylvanie de faire luire un rayon dans ses yeux et sur ses lèvres, et l’amant désabusé la veille croyait voir s’épanouir à présent dans cette âme dévastée toutes les floraisons et les verdures d’un printemps jonché de roses !

Elle n’avait rien dit, et elle était justifiée !

Mais elle déploya tant d’art, tant de coquetterie, tant de grâces naïves pour enchanter Raoul ! Elle se donna tant de peine pour emplir encore une fois tout entier ce cœur d’où son image n’était pas sortie !

Arrivée au château, elle ne s’émut ni de la froideur de madame de Créhange, ni de la tristesse amère et méprisante qu’affecta Julien de Chantenay. Elle fut, malgré tout, bonne et charmante. Jusqu’au soir, les calèches