Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/69

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Mercure et le jeune Bacchus regardaient surtout avec curiosité les images féminines, tandis que Diane et Vénus elle-même devenaient rêveuses devant le torse nu d’un berger adolescent. Les déesses couraient comme des folles sur les échafaudages, et jouaient avec les ébauchoirs. Vous voyez d’ici l’espièglerie que devaient amener ces enfantillages.

On résolut de mettre à profit l’absence du terrible Zeus pour sculpter sans lui, avec sa propre argile et ses propres outils, une femme parfaitement belle.

Comme toutes les fois qu’on joue la comédie en société ou qu’on fait de l’art entre amateurs, on chargea du gros de l’ouvrage le seul artiste qui fût présent, Vulcain. C’est lui qui modela en terre la nouvelle Galatée, et quel chef-d’œuvre ! Traits enfantins et superbes, ardente et riche crinière, bras dignes de l’arc, corps d’amazone victorieuse, pieds aux ongles purs, aux doigts écartés ; Coysevox lui-même n’aurait pas fait mieux.

Puis Vénus dénoua sa ceinture et toucha le sein de Galatée, et elle lui donna ainsi le charme irrésistible.

Les autres dieux firent aussi leurs présents.

Bacchus, pareil aux femmes, accorda à Galatée le pouvoir d’affoler et d’enivrer les enfants et les vieillards.

Apollon la doua de la symétrie ; il lui donna le nombre et le rhythme harmonieux des mouvements.

Mars, l’ardeur héroïque ; Junon, la fierté ; Pallas, les colères vengeresses ; Cérès, la couleur blonde ; Mercure, l’habileté en affaires, l’art d’élever des amants et de s’en faire trois cent mille livres de revenu ; Diane, cet air de virginité sans lequel une femme n’est pas adorable.

Le cruel Amour donna à ses dents la blancheur et la force des dents de tigresse, à ses ongles la rage meurtrière de ceux des bêtes fauves.