Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’actrices qui aient jamais prononcé ormoire et castrole ! Une tante si élégiaque et si cruellement blanchie à la poudre de fleur de riz et qu’un fantaisiste croyait devoir attribuer à sa monomanie le prix élevé auquel se vend le riz au lait au café du théâtre des Variétés. Pendant toutes les années passées à l’Opéra, cette tante de génie eut l’art de revendre successivement à vingt financiers (à celui-ci pour une rente, à celui-là pour une maison de campagne, toujours données d’avance !) cette dernière larme furtive et ce dernier geste désespéré de l’innocence que l’on ne peut cependant livrer qu’une fois. Mais elle, très-forte, ne livrait rien ! Elle se bornait à dire : C’est impossible, ma nièce est trop désespérée ! — Eh bien ! répondait Plutus ou Midas, je veux parler moi-même à Irma.

Oui, mais comment s’expliquer avec une idiote ? et on gardait la maison de campagne.

Il fallut cependant qu’Irma quittât l’Opéra, un cadre excellent pour elle ! Mais un soir qu’elle dansait pour la quarantième fois dans Robert-le-Diable, quelqu’un lui demanda :

— Dans quoi jouez-vous ce soir ?

— Je ne sais pas, dit Irma, je joue les nonnes !

Le mot fut rapporté à M. Duponchel et le fit souvenir que, depuis ce temps, Macaron, comme on l’appelait au petit quadrille, n’avait pas dansé une fois en mesure, et Macaron fut remerciée.

C’est alors qu’Irma se montra digne de sa tante, et, si elle continuait à ne rien comprendre, prouva du moins un instinct miraculeux de la manière dont nous entendons les arts en France. Elle fut reçue au Conservatoire en récitant le rôle d’Agnès ; elle y obtint un accessit, puis un second prix, toujours avec le rôle d’Agnès ; elle fut