Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/85

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dans leurs rêves, sous les rideaux blancs de leur couche enfantine, peuvent parler à la vierge Marie et lui laisser voir leur âme toute nue. Celles-là, je les ai suivies du regard sur ce mail encadré par les coteaux voisins, sur lequel plane, depuis le temps du roi Charles VII, une poétique et tranquille tristesse. Je les ai adorées avec leur robe d’organdi et leur joli mantelet, un peu taillé à la mode de l’année dernière ; je les ai épiées dans ce coin de jardin mal ratissé où roucoulent deux colombes blanches penchées vers l’eau couverte de verdure, près des mûres et des groseilliers ! Mais quoi ! Paris seul, qui a tout enfanté, produit dans sa perfection grandiose ce type abstrait qui domine les civilisations et les littératures, la jeune fille honnête, ce phénix idéal, ce diamant éclatant de lumière, cet être moitié ange et déesse, Séraphitus-Séraphita, debout sur une montagne de glace incendiée par le soleil, au sommet de laquelle n’atteignent pas nos faibles regards. Une tache plus petite cent fois que la prunelle d’un insecte invisible, et ce Koh-innor n’est plus qu’un caillou grossier ; un rayon de moins sur la tête de ce séraphin héroïque, il ne sera plus digne de s’avancer en souriant sur les neiges éternelles. Ô toi dont ma pauvre plume n’ose plus écrire le nom sur les pages de ce petit livre, permets-moi du moins de t’emprunter encore une fois ce titre, pareil au cachet apposé sur un coffret précieux, que tu donnais à tes pensées ciselées dans l’or pur !


AXIOME

Une jeune fille qui, de près ou de loin, fût-ce même par une haute fenêtre, fût-ce en passant une minute dans une rue, a entrevu le spectre de la Misère ;