Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/129

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à leur apogée, autrement que dans la langue technique, claire et précise qui leur est propre. Sous prétexte d’élégance, les poètes didactiques auteurs de poëmes sur l’art du Tourneur, sur le Jardinage, sur la Navigation, dépensent une remarquable ingéniosité à ne pas appeler les choses par leur nom, et à remplacer les substantifs communs par de longues périphrases, qui expose- raient fort Œdipe à être dévoré par la Sphinge, s’il était tenu, sous peine de mort, de deviner ce qu’elles signifient. C’est ainsi que l’un d’entre eux, voulant parler d’un jardin où se trouvent des instruments d’astronomie, de physique et de chimie, épuise, comme on va le voir, toutes les manières possibles de ne pas appeler un chat, un chat :


Si jadis tes Ayeux parèrent ta maison
Des bisarres beautés d’un gothique écusson ;
Dans tes jardins, par-tout, je vois que ton génie
L’orna plus sagement des travaux d’Uranie.
Ici, sur un pivot vers le Nord entraîné,
L’aiman cherche à mes yeux son point déterminé :
Là de l’antique Hermès le minéral fluide
S’élève, au gré de l’air plus sec ou plus humide.
Ici, par la liqueur un tube coloré
De la température indique le degré ;
Là, du haut de tes toits, incliné vers la terre.
Un long fil électrique écarte le Tonnerre.
Plus loin la cucurbite, à l’aide du fourneau,
De légères vapeurs mouille son chapiteau :