Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/13

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et bien facile. Ces quatre hommes étaient quatre géants, quatre créatures surhumaines qui, à force de génie, ont fait des chefs-d’œuvre immortels, bien qu’ils n’eussent qu’un mauvais outil à leur disposition. Leur outil (par là j’entends la versification comme ils la savaient) était si mauvais, qu’après les avoir gênés et torturés tout le temps de leur vie, il n’a pu, après eux, servir utilement à personne. Et l’outil que nous avons à notre disposition est si bon, qu’un imbécile même, à qui on a appris à s’en servir, peut, en s’appliquant, faire de bons vers. Notre outil, c’est la versification du xvie siècle, perfectionnée par les grands poètes du xixe, versification dont toute la science se trouve réunie en un seul livre, La Légende des Siècles de Victor Hugo, qui doit être la Bible et l’Évangile de tout versificateur français.

Ceci dit, je commence, en suppliant le lecteur d’oublier, dans l’intérêt de l’étude que nous allons tenter ensemble, ses idées préconçues et les notions de notre art qu’il a pu acquérir.

Tout ce dont nous avons la perception obéit à une même loi d’ordre et de mesure, car, ainsi que les corps célestes se meuvent suivant une règle immuable qui proportionne leurs mouvements entre eux, de même les parties dont un