Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/132

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Voulant pousser à bout tous les Rimeurs François,
Inventa du Sonnet les rigoureuses loix ;
Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille
La Rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille ;
Et qu’ensuite six Vers, artistement rangez,
Fussent en deux Tercets par le sens partagez.
Sur-tout de ce Poëme il bannit la licence ;
Lui-mesme en mesura le nombre et la cadence ;
Deffendit qu’un Vers foible y pût jamais entrer,
Ni qu’un mot déjà mis osât s’y remontrer.
Du reste, il l’enrichit d’une beauté suprême :
Un Sonnet sans défauts vaut seul un long Poëme.

Boileau. L’Art poétique, Chant II.

Je vois bien que les deux quatrains doivent être de mesure pareille ; mais encore, quelle est cette mesure, et dans quel ordre les vers de ces quatrains seront-ils disposés ? Et (dirait justement Alceste) qu’est-ce qu’une Rime qui, avec deux sons frappe huit fois l’ oreille ? Et que : Un mot déjà mis ? Boileau veut bien nous apprendre que les six vers composant les deux tercets doivent être artistement rangés. Artistement, soit ; mais comment et dans quel ordre ? Comme on le verra quand nous en serons à expliquer les règles du Sonnet, un prisonnier qui ne connaîtrait pas ces règles et à qui on donnerait la démonstration que nous avons citée, en lui promettant la liberté pour le jour où il aurait composé un sonnet sans faute, mourrait dans sa prison, comme l’homme