Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/134

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L’Épopée n’est vraiment l’Épopée qu’à la condition d’être d’abord née ainsi spontanément, et c’est assez dire qu’elle ne saurait exister à l’état d’œuvre littéraire artificielle et voulue. La critique moderne a démontré excellemment cette vérité. J’emprunte à l’Introduction que F. Génin a placée en tête de sa traductionde La Chanson de Roland, poème de Théroulde[1], quelques lignes décisives, en suppliant le lecteur qui veut se faire des idées justes sur la poésie épique de lire cette Introduction tout entière :

« Le caractère essentiel de l’Épopée, c’est la grandeur jointe à la naïveté ; la virilité, l’énergie de l’homme sont unies à la simplicité, à la grâce ingénue de l’enfant : c’est Homère. Comment cette production essentiellement primitive aurait-elle pu éclore à des époques pédantes ou d’une civilisation corrompue, comme le xvie, xvie et le xviiie siècle ? Le poëte épique vit dans les siècles épiques, et de même que l’âge d’or était l’âge où l’or ne régnait pas, les temps épiques sont les temps où le nom de l’épopée était inconnu. Achille et Agamemnon, comme Roland et Charlemagne, ne soupçonnaient pas qu’ils fussent des héros

  1. Paris, Imprimerie nationale, 1850. — Se trouve chez Potier, libraire, quai Voltaire, 9.