Aller au contenu

Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Regrettez-vous le temps où le ciel sur la terre
Marchait et respirait dans un peuple de Dieux ?
Où Vénus Astarté, fille de l’onde amère,
Secouait, vierge encor, les larmes de sa mèrei
Et fécondait le monde en tordant ses cheveux ?
Regrettez-vous le temps où les Nymphes lascives
Ondoyaient au soleil parmi les fleurs des eaux,
Et d’un éclat de rire agaçaient sur les rives
Les Faunes indolents couchés dans les roseaux ?
Où les sources tremblaient des baisers de Narcisse ?
Où, du nord au midi, sur la création
Hercule promenait l’éternelle justice
Sous son manteau sanglant, taillé dans un lion ?

Alfred de Musset. Rolla. Poésies nouvelles.


L’Ode. — Enseigner à l’écolier le secret de faire une ode, ce serait lui enseigner le moyen d’être un dieu, et c’est un secret qui ne se vend nulle part. Cependant, je ne veux pas ressembler à ces mauvais poètes qui, ayant à décrire un objet, se tirent d’affaire en disant qu’on ne saurait le décrire, ou à ces mauvais artistes qui prétendent que leur besogne est au-dessus des forces humaines. Mais j’ai seulement le dessein de faire comprendre pourquoi, à propos de l’Ode, je me bornerai à donner en quelques lignes deux ou trois conseils pratiques ; car, pour le reste , vous devrez yous adresser à la Muse elle-même !