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Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/200

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Mais si mes vers ont l’honneur de vous plaire,
Sur ce papier promenez vos beaux yeux.
En puissiez vous dans cent ans autant faire !

Je viens de Vaux, sachant bien que sur tous
Les Muses font en ce lieu résidence ;
Si leur ai dit, en ployant les genoux :
« Mes vers voudroient faire la révérence
À deux soleils de votre connoissance,
Qui sont plus beaux, plus clairs, plus radieux
Que celui-là qui loge dans les cieux ;
Partant, vous faut agir dans cette affaire.
Non par acquit, mais de tout votre mieux.
En puissiez vous dans cent ans autant faire ! »

L’une des neuf m’a dit d’un ton fort doux
(Et c’est Clio, j’en ai quelque croyance) :
« Espérez bien de ses yeux et de nous. »
J’ai cru la Muse ; et sur cette assurance
J’ai fait ces vers, tout rempli d’espérance.
Commandez donc en termes gracieux
Que, sans tarder, d’un soin officieux,
Celui des Ris qu’avez pour secrétaire
M’en expédie un acquit glorieux.
En puissiez vous dans cent ans autant faire !

Envoi.

Reine des cœurs, objet délicieux,
Que suit l’enfant qu’on adore en des lieux
Nommés Paphos, Amathonte et Cythère,
Vous qui charmez les hommes et les Dieux,
En puissiez vous dans cent ans autant faire !

Jean de la Fontaine. Ballades, II, 1659.