Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/235

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Tes petis maulx, sachant que ta foiblesse
Ne pouvant pas ton grand mal percevoir
Et que aussi tost que de l’appercevoir
Tu périroys comme paille en la flamme,
Sans nul espoir de jamais recevoir
Santé au corps et Paradis à l’âme.

Certes plutost un bon père désire
Son filz blessé que meurdrier[1], ou jureur :
Mesmes de verge il le blesse, et descire,
Affin qu’il n’entre en si lourde fureur.
Aussi quand Dieu, père céleste, oppresse
Ses chers enfans, sa grand’bonté expresse
Faict lors sur eulx eau de grâce pleuvoir ;
Car telle peine à leur bien veult prévoir
À ce qu’enfer en fin ne les enflamme,
Leur réservant (oultre l’humain devoir)
Santé au corps et Paradis à l’âme.


envoi.


Prince Royal, quand Dieu par son povoir
Fera les Cieulx et la Terre mouvoir,
Et que les corps sortiront de la lame.
Nous aurons lors ce bien, c’est à sçavoir,
Santé au corps et Paradis à l’âme.

Clément Marot. Chantz divers, VII. Œuvres complètes.
Édition Pierre Jannet, chez Lemerre.


Le Chant Royal se compose de cinq strophes de onze vers chacune, et d’un Envoi.

Toutes les strophes sont écrites sur des rimes pareilles aux rimes de la première strophe, et les

  1. Le mot meurdrier (meurtrier), comme beaucoup d’autres mots terminés en ier, ne comptait alors que pour deux syllabes.