Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/238

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D’antique ouvrage a composé Nature
Le boys du lict, où n’a un poinct obmis :
Mais au coissin plume très blanche et pure
D’un blanc coulomb le grand ouvrier[1] a mis ;
Puis Charité tant quise, et demandée,
Le lict prépare avec Paix accordée ;
Linge trespur Dame Innocence file ;
Divinité les trois Rideaux enfile,
Puis à l’entour le tendit et posa,
Pour préserver de vent froid et mobile
La digne couche où le Roy reposa.

Aucuns ont dict noire la couverture,
Ce qui n’est pas. Car du Ciel fut transmis
Son lustre blanc, sans aultre art de taincture ;
Un grand pasteur l’avoit ainsi permis.
Lequel jadis par grâce concordée,
Des ses aigneaux la toyson bien gardée
Transmit au cloz de Nature subtile
Qui une en feit la plus blanche et utile
Qu’oncques sa main tyssut ou composa,
Dont elle orna (oultre son commun stile)
La digne couche où le Roy reposa.

Pas n’eut un ciel faict à frange, et figure
De fins damas, sargettes, ou samis :
Car le hault ciel, que tout rond on figure,
Pour telle couche illustrer fut commis.
D’un tour estoit si précieux bordée
Qu’oncques ne fut de vermine abordée.
N’est-ce donc pas d’humanité fertile
Œuvre bien faict, veu que l’aspic hostile,
Tour y dormir approcher n’en osa ?

  1. Le mot ouvrier ne compte ici que pour deux syllabes.