Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/270

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Sache bien que, quels que puissent être ton génie et ta science, tu ne saurais jamais parvenir à écrire de beaux poèmes sans un secours divin et surnaturel. Si donc il devait arriver un jour que tu dusses, comme saint Thomas, ne croire qu’à ce que tu touches, renonce franchement à l’art de la poésie. S’il te faut un signe évident de l’impuissance poétique de l’homme livré aux ressources de son infirme raison, lis les vers que M. Littré, ce savant infatigable, a publiés dans sa Revue positiviste. Mieux que je ne saurais le faire, ils te prouveront que, pour être poëte, savoir tout et ne savoir rien que cela, c’est ne rien savoir !


Il faut cependant savoir tout ! Furetière[1], raillé à tort par La Fontaine, avait raison de vouloir que le poëte sût si le bois dont il parle est le bois de marmanteau ou bien le bois de grume. Tu ne connaîtras jamais trop bien l’histoire, les théologies, la philosophie, l’esthétique, les beaux-

  1. Voyez Recueil des Facturas d’Antoine Furetière, de l’Académie Française, contre quelques-uns de cette Académie, suivi des preuves et pièces historiques données dans l’édition de 1694, avec une introduction et des notes historiques et critiques par M. Charles Asselineau. — Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1859.