Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/300

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Cassandre, qui demandaient pour être expliqués la plume plus grave de Muret ; son Bocage Royal, sa Franciade, ses Églogues, le Discours sur les Misères de ce temps, les Gaietés, les Mascarades, cette œuvre innombrable, ce labeur d’un demi-siècle épouvantent la critique paresseuse. Combien notre auteur ne serait-il pas loué s’il n’eût écrit que l’ode à l’Hospital ou les fameux vers aux calvinistes, approuvés par M. Nisard lui-même :

Christ n’est que charité, qu’amour et que concorde…


En mainte de ces pages, inspirées par les déchirements de la patrie, il se montre courageux et lucide penseur ; mais dans les odes nous retrouvons un poëte aussi grand, uni à un artiste prodigieux. Tant de rhythmes créés pour ainsi dire du néant, reproduisant l’aspect, le mouvement général des rhythmes latins et grecs, mais tout à fait appropriés à la langue française, ces strophes dont la forme est trouvée à mesure que le poëte en a besoin, effraient l’esprit par la quantité de travaux que leur arrangement a demandés, surtout par la force créatrice, par le rare instinct qui a présidé à des combinaisons si diverses ! On n’ose y songer ; depuis Ronsard , nous n’avons réellement rien imaginé en fait de