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JEAN DE LA FONTAINE

1624—1695



Comme un dieu même de la poésie, appuyé sur ses ouvrages que le temps embellit sans cesse d’un édat nouveau, sur ces ouvrages qui ont le don de faire encore des envieux après deux cents années de gloire, mais qui sont pour eux d’airain, d’acier, de diamant, La Fontaine offre ce spectatacle inouï d’un homme de génie qui a pu réaliser complètement, et dans sa perfection absolue, l’œuvre qu’il avait rêvée. Accord du sentiment et de l’imagination, l’œil ouvert sur le monde visible et l’œil ouvert sur le monde idéal, invention inépuisable et féconde et talent d’artiste si accompli qu’il devient exempt du procédé et de la manière et arrive à se dissimuler lui-même, La Fontaine a possédé tous les dons les plus rares et les plus exquis, le goût, la grâce, la force, la tendresse, le vif esprit qui tout à coup éclaire d’un jet le tableau, et l’habileté minutieuse qui en