Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/333

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pareille conception; et je sais plus d’un grand poète qui, après lui, l’a mesurée en frémissant et qui a senti son cœur faiblir devant la tâche démesurée. Eh ! bien, ce chef-d’œuvre accompli avec un bonheur et une science dignes de l’entreprise, ce rare diamant aux facettes étincelantes, c’est… Clymène, une comédie reléguée, inconnue, oubliée dans les œuvres diverses du fabuliste, Clymène, où se trouve ce vers digne des temps héroïques :


Portez-en quelque chose à l’oreille des Dieux !


Comédie, écrit La Fontaine, et Clymène est en effet une comédie, mais de celles qui sont faites pour être jouées devant un parterre de princesses et de poëtes, dans un décor de verdure fleurie, avec une rampe de lucioles et d’étoiles autour de laquelle voltige le chœur aérien des fées dans les blancs rayons de lune. Ô la ravissante surprise de voir Thalie et Melpomène en personne devenir des comédiennes, contrefaisant celle-ci Clymène et celle-là Acante sur le tréteau élevé en plein Parnasse, à deux pas de l’Hippocrène, Melpomène et Thalie se mettant du rouge parfumé d’ambroisie, et interrogeant d’un pied impatient quelque souffleur divin, Silène peut-être ou le Dieu Pan, caché dans une boîte de rocher ! Pour moi, je ne