Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/335

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avec charme, pour le style naturel et sain, pour l’esprit familier dont ils débordent. Plaisanteries un peu vives contre les « nonnes, » gaillardises un peu lestes, tout cela est dit gaiement, délicatement, sans malice, et n’attaque sérieusement ni la vertu, ni le bon Dieu. C’est le dernier écho du moyen âge, la dernière satire de Jacques Bonhomme un peu animé contre son seigneur et contre son évêque ; au demeurant le meilleur fils du monde. En ces contes surtout abondent ce qu’on a appelé les négligences de La Fontaine ; regardez-y d’un peu près, ces négligences si obstinément reprochées n’existent pas ; les apparentes défaillances du style et de la rime ne sont qu’un art de plus, art si subtil qu’il trompe complètement les faux connaisseurs, les critiques de demi-science. Ayant en ses descriptions à parcourir un immense clavier de passions et de sentiments, il a ajouté des cordes à sa lyre, voulant une langue qui répondît à toutes les nécessités de son inspiration, et faisant de la rime non pas un grelot sonore et toujours le même, mais une note variée à l’infini, dont le chant augmente d’éclat et d’intensité selon ce qu’elle doit peindre et selon l’effet qu’elle doit produire. La rime de La Fontaine est comme une muse dansante qui suit et accompagne le chant du poëte, changeant d’in-