Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et que de choses ont été entrevues à l’éclair de ce poignard avec lequel la pauvrette coupe sans regrets ces habits que le sexe aime plus que sa vie ! Non, rien de plus beau que ces héroïnes dont La fontaine ne nous a pas décrit ni détaillé le visage ! mais cela, le don de créer la beauté avec une parole, les vieilles fées gauloises l’en avaient doué dans son berceau, car la duchesse de Bouillon et Madame de La Sablière ne nous apparaissent-elles pas dans toute la splendeur d’une apothéose, parce que La Fontaine écrit leur nom en tête d’un livre de contes ou de fables ? Iris, comme Sévigné, nous sourit, ainsi que le poëte Ta voulu, sous les traits d’une déesse, et quant à lui, fils d’Homère et de l’antiquité sacrée, peintre de son temps et de tous les temps, père des poètes qui viendront, ami de quiconque sentira son cœur battre pour l’amour et pour l’amitié sainte, de quiconque sent en lui une étincelle du bien et du beau, il sourit comme ses déesses en regardant son œuvre, une immense campagne verte, coupée d’eau murmurante, où la troupe des animaux et des hommes joue sa comédie aux cent actes divers, tandis que par une échappée apparaît le sacré vallon avec les Muses, les Nymphes demi-nues et le dieu même du vert laurier prêtant l’oreille à quelque chant de Daphné ou de Clymène, dont