Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/64

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mener un heureux métier^ en même temps qu’il mène une douce vie : Il franchit Tespace, Rapide comme le vent, Sans laisser de trace Au sable. .. brûlant ! Le poëte pense en vers et n’a qu’à transcrire ce qui lui est dicté : l’homme qui n’est pas poëte pense en prose, et ne peut que traduire en vers ce qu’il a pensé en prose. Aussi ses vers n’ont-ils jamais plus de valeur que n’en a une version an- glaise ou italienne écrite par un Français, la gramùiaire sous ses yeux et le dictionnaire à la main. Et je n’affirme pas au hasard! nous avons là-dessus de naïves révélations, et de l’homme qui est poëte et de l’homme qui ne Test pas. Parfois Victor Hugo, las d’avoir chanté tout Tété et aussi tout l’hiver pendant cinquante hivers et autant d’étés, voudrait dormir sa nuit, comme un simple manœuvre; quand il forme ce projet am- bitieux, c’est qu’il a compté sans son Hôtesse! Mais au milieu des nuits, s’éveiller ! quel mystère ! Songer, sinistre et seul, quand tout dort sur la terre! Quand pas un œil vivant ne veille, pas un feu ; Quand les sept chevaux d’or du grand chariot bleu Rentrent à l’écurie et descendent au pôle. Se sentir dans son lit toucher soudain l’épaule Par quelqu’un d’inconnu qui dit : Allons! c’est moi! .