Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/68

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et, par conséquent, pas de poésie ; le poëte con- sentirait plutôt à perdre en route un de ses bras ou une de ses jambes qu^à marcher sans la consonne d’appui ; mais Boileau n’avait ni à la retenir ni à se séparer d’elle, il ne la rencontre jamais que par hasard, et cet érudit, ce latiniste excellent, ce critique fin et sagace dont j3n relira toujours les lettres, ce sévère ami que Molifere et Racine avaient raison d’écouter religieusement, mourut sans s’être douté que, pour rimer exactement avec figurCy il aurait fallu écrire non pas Y Abbé de Pure, mais V Abbé de Gure!

La Rime et lui ne se réconcilièrent jamais, ou, pour mieux dire, ils ne se connaissaient pas. Le morceau que j’ai cité plus haut contient et ré- sume en lui seul toutes les hérésies qu’il soit possible d’imaginer contre la poésie et contre la rime. Aux deux premiers vers : Rare et fameux Esprit, dont la fertile veine Ignore en écrivant le travail et la peine ; nous rencontrons tout d’abord une veine qui écrit et qui ignore le travail. Voyez-vous d’ici un pein- tre sachant son métier, Ingres ou Delacroix, con- damné à représenter cela sur une toile! Et plus loin, à ces vers :