Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/86

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geois, VOUS n’avez aucun droit de l’imiter. Car si vous vous attachez au dos des ailes postiches, vous ne serez pas pour cela un dieu ; vous serez tout au plus un masque et une figure de carnaval !

Votre rime sera riche et elle sera variée : im- placablement riche et variée! C’est-à-dire que vous ferez rimer ensemble, autant qu’il se pourra, des mots très-semblables entre eux comme son, et très-différents entre eux comme sens. Tâchez d’accoupler le moins possible un substantif avec un substantif, un verbe avec un verbe, un adjectif avec un adjectif. Mais surtout ne faites jamais ri- mer ensemble deux adverbes, si ce n’est par farce «t ironie, comme dans ces deux vers des Femmes Savantes, Acte III, Scène II :


J’aime superbement et magnifiquement; C!es deux adverbes joints font admirablement.

Un mot ne saurait rimer avec un de ses com- posés, pas plus qu’il ne rime avec lui-même; cela va de soi. Un mot terminé par un t ne peut, sans faute grossière, rimer avec un autre mot qui ne soit pas terminé par un t. Ainsi Voltaire rime aussi mal que possible quand il écrit {Le Fana- tisme, Acte II, Scène II) :


Chacun porte un regard, comme un cœur différent ; L’un croit voir un héros, l’autre voir un tyran.