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Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/97

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CHAPITRE V

L’ENJAMBEMENT ET L’HIATUS


Ici, le contradicteur dont j’ai eu soin de me précautionner intervient avec une objection triomphante. La poésie (me dit-il), ou plutôt la versification comme vous l’entendez, ne serait autre chose que le jeu frivole des Bouts-Rimés. Qu’appelle-t-on en effet faire des bouts-rimés, si ce n’est remplir après coup les commencements d’une certaine quantité de vers dont on a par avance écrit et aligné les rimes ?

Cette objection s’avance tout armée, terrible et en apparence impossible à vaincre ; mais il suffit de la regarder de près pour voir qu’elle n’existe même pas. Et voici pourquoi. Ce n’est pas la poésie qui a été faite à l’image des bouts-rimés ; ce sont les bouts-rimés qui ont été imaginés comme une imitation et comme une parodie de la poésie, par un rimeur qui, en sa dédaigneuse ironie, a très-bien compris qu’en révélant à peu près le se-