Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/50

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absolument toutes choses d’un coup d’œil, pour lequel il ne saurait y avoir ni joie, ni peine, ni imprévu, serait saisi d’un ennui incommensurable et mourrait de son éternité même… »

Destroy, qui savait par cœur ces tristes arguments, ne connaissait rien de plus affligeant que de discuter avec des hommes capables de s’y arrêter.

« Ils traitent de visions, disait-il, tous les élans de l’âme et soumettent leur esprit au joug du plus vulgaire bon sens. Ils ont bientôt fait de trouver qu’il n’y a rien en dehors d’eux, que ce qu’ils ne conçoivent pas ne saurait exister, que, partant, l’inconnu est leur égal ; de ne croire enfin qu’à ce qu’ils touchent et de s’écrier : Dieu n’est pas ! parce que, dans l’étroitesse de leur cerveau, ils ne sauraient concevoir comment il peut être.

— La douleur me fera nier éternellement Dieu, s’écria Clément au paroxisme de l’exaltation. Je te le déclare, je ne serais condamné qu’à souffrir quinze jours d’un petit caillou dans mon soulier, que je dirais opiniâtrement : « Non, IL n’est pas. »

— Je ne saisis pas le rapport, dit Max. En quoi la douleur implique-t-elle la non existence d’un Dieu ? C’est parler comme une harengère : Si Dieu existait, souffrirait-il cela ? La douleur existe, c’est un fait ; reste à savoir si, essentiellement, elle est un bien ou si elle est un mal, pourquoi elle existe, à quoi elle sert. Quant à moi, je l’avoue, sans