Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

théâtre de troisième ordre. La misère ne lui causait ni impatience ni velléité de révolte. Loin de là : dans la douce persuasion de porter en lui le germe d’excellents livres, il puisait la patience héroïque de l’homme sûr de lui-même et de l’avenir. Il n’avait ni horreur ni engouement pour la pauvreté ; il la regardait comme un mal utile et transitoire, et, au grand scandale de beaucoup de ses amis, comme un stimulant énergique contre l’engourdissement de l’âme et des facultés. Il comprenait parfaitement la pantomime de Rodolphe. Il n’en continua pas moins :

« Aussi, ne puis-je sans irritation entendre gémir sur les douleurs du poëte et parler de l’urgence d’en empêcher le retour. J’en demande pardon à ceux qui ont soutenu cette thèse : c’est un paradoxe, un prétexte à déclamations contre une société à qui on peut imputer des torts plus graves. En définitive, l’homme exempt de douleurs ne sera jamais qu’un homme médiocre. Il n’y a pas de milieu, il faut choisir ou d’être une borne, une végétation, un manoeuvre, ou de souffrir.... »

Il semblait décidément que Rodolphe fût dévoré par des fourmis. Vraisemblablement sa vertu était à bout. Il se souvint à point nommé d’un rendez-vous de conséquence, et se leva avec l’étourderie d’un jouet à surprise. Mais au moment de sortir, frappé par les sons d’un piano qui résonnait à l’étage