y songer dans une harmonie nuageuse, prêtait une attention croissante au récit de M. Durosoir.
« On vante beaucoup trop, selon moi, disait le magistrat, l’habileté de nous autres juges d’instruction et celles des agents placés sous nos ordres. Réduits à nos seules forces, nous serions bien souvent dans l’impuissance de réunir les éléments nécessaires au prononcé d’une condamnation. Quoi qu’on dise de la maladresse incurable des criminels, je vous jure qu’il s’en rencontre qui mettraient en défaut même des esprits bien autrement perspicaces que ne le sont les nôtres. Il y a tel de ces gens-là qui a quelquefois du génie en son genre… »
Ce début frappa Clément de stupeur. Il tressaillit comme l’homme qu’on tire brusquement d’un demi-sommeil, et fixa sur le juge des yeux remplis d’anxiété.
« Ma longue carrière et mon expérience me permettent d’affirmer, continua M. Durosoir, que malgré une police exemplaire, bien des crimes resteraient impunis, n’était, il faut lâcher le grand mot, l’intervention des hasards providentiels. Entre des preuves multipliés de ce que j’avance, je choisirai un fait curieux, tout récent… »
Ce n’est pas à dire que M. Durosoir prétendît à des succès de beau diseur ; c’était même à son insu que tant d’oreilles l’écoutaient. Une fois engagé dans son récit, la difficulté de rappeler ses souvenirs,