Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/141

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affreux ! Je sais à fond cette enfant. Elle ignore tout de la vie et du péché… C’est certainement de toutes les jeunes filles que je confesse celle dont je répondrais le plus devant Dieu. Voilà tout ce que je puis vous dire ! Nous sommes, nous autres prêtres, les chirurgiens des âmes, et il nous faut les accoucher des hontes qu’elles dissimulent, avec des mains qui ne les blessent ni ne les tachent. Je l’ai donc, avec toutes les précautions possibles, interrogée, questionnée, pressée de questions, cette enfant au désespoir, mais qui, une fois la chose dite, la faute avouée, qu’elle appelle un crime et sa damnation éternelle, car elle se croit damnée, la pauvre fille ! ne m’a plus répondu et s’est obstinément renfermée dans un silence qu’elle n’a rompu que pour me supplier de venir vous trouver, madame, et de vous apprendre son crime, — car il faut bien que maman le sache, — a-t-elle dit, — et jamais je n’aurai la force de le lui avouer ! » —

« J’écoutais le curé de Saint-Germain-des-Prés. Vous vous doutez bien avec quel mélange de stupéfaction et d’anxiété ! Comme lui et encore plus que lui, je croyais être sûre de l’innocence de ma fille ; mais les innocents tombent souvent, même par innocence… Et ce qu’elle avait dit à son confesseur n’était pas impossible… Je n’y croyais pas… Je ne vou-