Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/167

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bonne fortune ; mais, malheureusement, ce vieux prévôt n’avait pas qu’un cœur de maroquin rouge sur le plastron capitonné de peau blanche dont il couvrait sa poitrine, quand il donnait magistralement sa leçon… Il se trouva qu’il en avait un autre par dessous, lequel se mit à faire des siennes dans cette ville de V…, où il était venu chercher le havre de grâce de sa vie. Il paraît que le cœur d’un soldat est toujours fait avec de la poudre. Or, quand le temps a séché la poudre, elle n’en prend que mieux. À V…, les femmes sont si généralement jolies, que l’étincelle était partout pour la poudre séchée de mon vieux prévôt. Aussi, son histoire se termina-t-elle comme celle d’un grand nombre de vieux soldats. Après avoir roulé dans toutes les contrées de l’Europe, et pris le menton et la taille de toutes les filles que le diable avait mises sur son chemin, l’ancien soldat du premier Empire consomma sa dernière fredaine en épousant, à cinquante ans passés, avec toutes les formalités et les sacrements de la chose, — à la municipalité et à l’église, — une grisette de V… ; laquelle, bien entendu — je connais les grisettes de ce pays-là ; j’en ai assez accouché pour les connaître ! — lui campa un enfant, bel et bien au bout de ses neuf mois, jour pour jour ; et cet enfant, qui était une fille, n’est rien moins,