Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/201

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la seule chose qui valût la peine de vivre. Aussi m’imaginais-je qu’il devait y avoir de fameuses jouissances dans ce concubinage caché avec une fausse servante, sous les yeux affrontés d’une femme qui pouvait tout deviner. Oui, le concubinage dans la maison conjugale, comme dit ce vieux Prudhomme de Code, c’est à ce moment-là que je le compris !

« Mais, excepté les pâleurs et les transes réprimées de Savigny, je ne voyais rien du roman qu’ils faisaient entre eux, en attendant le drame et la catastrophe… selon moi inévitables. Où en étaient-ils tous les deux ? C’était là le secret de leur roman, que je voulais arracher. Cela me prenait la pensée comme la griffe de sphinx d’un problème, et cela devint si fort que, de l’observation, je tombai dans l’espionnage, qui n’est que de l’observation à tout prix. Hé ! hé ! un goût vif, bientôt nous déprave… Pour savoir ce que j’ignorais, je me permis bien de petites bassesses, très indignes de moi, et que je jugeais telles, et que je me permis néanmoins. Ah ! l’habitude de la sonde, mon cher ! Je la jetais partout. Lorsque, dans mes visites au château, je mettais mon cheval à l’écurie, je faisais jaser les domestiques sur les maîtres, sans avoir l’air d’y toucher. Je mouchardais (oh ! je ne m’épargne pas le mot) pour le compte de ma propre curiosité. Mais