Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/203

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reste, et ces yeux cernés de Hauteclaire, pouvaient venir d’autre chose que de la vie compressive qu’ils s’étaient imposée. Ils pouvaient venir de tant de choses, dans ce milieu souterrainement volcanisé ! J’en étais à regarder ces marques trahissantes à leurs visages, m’interrogeant tout bas et ne sachant trop que me répondre, quand un jour, étant allé faire ma tournée de médecin dans les alentours, je revins le soir par Savigny. Mon intention était d’entrer au château, comme à l’ordinaire ; mais un accouchement très laborieux d’une femme de la campagne m’avait retenu fort tard, et, quand je passai par le château, l’heure était beaucoup trop avancée pour que j’y pusse entrer. Je ne savais pas même l’heure qu’il était. Ma montre de chasse s’était arrêtée. Mais la lune, qui avait commencé de descendre de l’autre côté de sa courbe dans le ciel, marquait, à ce vaste cadran bleu, un peu plus de minuit, et touchait presque, de la pointe inférieure de son croissant, la pointe des hauts sapins de Savigny, derrière lesquels elle allait disparaître…

— … « Êtes-vous allé parfois à Savigny ? — fit le docteur, en s’interrompant tout à coup et en se tournant vers moi. — Oui, — reprit-il, à mon signe de tête. — Eh bien ! vous savez qu’on est obligé d’entrer dans ce bois de sapins et de passer le long des murs du château, qu’il faut