Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/212

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— Quoi ! docteur, ils auraient donc ?… »

Je n’achevai pas, tant cela me coupait la parole, l’idée qu’il me donnait !

Il baissa la tête en me regardant, aussi tragique que la statue du Commandeur, quand elle accepte de souper.

« Oui ! — souffla-t-il lentement, d’une voix basse, répondant à ma pensée. — Au moins, à quelques jours de là, tout le pays apprit avec terreur que la comtesse était morte empoisonnée…

— Empoisonnée ! — m’écriai-je.

— … Par sa femme de chambre, Eulalie, qui avait pris une fiole l’une pour l’autre et qui, disait-on, avait fait avaler à sa maîtresse une bouteille d’encre double, au lieu d’une médecine que j’avais prescrite. C’était possible, après tout, qu’une pareille méprise. Mais je savais, moi, qu’Eulalie, c’était Hauteclaire ! Mais je les avais vus, tous deux, faire le groupe de Canova, au balcon ! Le monde n’avait pas vu ce que j’avais vu. Le monde n’eut d’abord que l’impression d’un accident terrible. Mais quand, deux ans après cette catastrophe, on apprit que le comte Serlon de Savigny épousait publiquement la fille à Stassin, — car il fallut bien déclancher qui elle était, la fausse Eulalie, — et qu’il allait la coucher dans les draps chauds encore de sa première femme, Mlle Del-