Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/222

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de son amant, au péril de tout, que d’être sa maîtresse à V…, dans quelque logement retiré où il serait allé bien tranquillement la voir en cachette ? « Il y avait là un dessous que je ne comprenais pas. Leur délire, leur dévorement d’eux-mêmes étaient-ils donc si grands qu’ils ne voyaient plus rien des prudences et des précautions de la vie ?… Hauteclaire, que je supposais plus forte de caractère que Serlon, Hauteclaire, que je croyais l’homme des deux dans leurs rapports d’amants, voulait-elle rester dans ce château où on l’avait vue servante et où l’on devait la voir maîtresse, et en restant, si on l’apprenait et si cela faisait un scandale, préparer l’opinion à un autre scandale bien plus épouvantable, son mariage avec le comte de Savigny ? Cette idée ne m’était pas venue à moi, si elle lui était venue à elle, en cet instant de mon histoire. Hauteclaire Stassin, fille de ce vieux pilier de salle d’armes, La Pointe-au-corps, — que nous avions tous vue, à V…, donner des leçons et se fendre à fond en pantalon collant, — comtesse de Savigny ! Allons donc ! Qui aurait cru à ce renversement, à cette fin du monde ? Oh ! pardieu, je croyais très bien, pour ma part, in petto, que le concubinage continuerait d’aller son train entre ces deux fiers animaux, qui avaient, au premier coup d’œil, reconnu qu’ils étaient de la même espèce