Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/318

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douteusement et confusément, mais il était impossible de se reconnaître… On apercevait bien, ici et là, dans les pénombres, des groupes plus opaques que les fonds sur lesquels ils se détachaient vaguement, — des dos courbés, — quelques coiffes blanches de femmes du peuple agenouillées par terre, — deux ou trois mantelets qui avaient baissé leurs capuchons ; mais c’était tout. On s’entendait mieux qu’on ne se voyait. Toutes ces bouches qui priaient à voix basse, dans ce grand vaisseau silencieux et sonore, et par le silence rendu plus sonore, faisaient ce susurrement singulier qui est comme le bruit d’une fourmilière d’âmes, visibles seulement à l’œil de Dieu. Ce susurrement continu et menu, coupé, par intervalles, de soupirs, ce murmure labial, — si impressionnant dans les ténèbres d’une église muette, — n’était troublé par rien, si ce n’est, parfois, par une des portes des bas-côtés, qui roulait sur ses gonds et claquait en se refermant derrière la personne qui venait d’entrer ; — le bruit alerte et clair d’un sabot qui longeait l’orée des chapelles ; — une chaise qui, heurtée dans l’obscurité, tombait ; — et, de temps en temps, une ou deux toux, de ces toux retenues de dévotes qui les musiquent et qui les flûtent, par respect pour les saints échos de la maison du Seigneur. Mais ces bruits,