Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/344

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mariait fastueusement le poisson à la viande, pour que la loi de l’abstinence et de la mortification, prescrite par l’Église, fût mieux transgressée… Et cette idée-là était bien l’idée du vieux M. de Mesnilgrand et de ses satanés convives ! Cela leur assaisonnait leur dîner de faire gras les jours maigres, et, par-dessus leur gras, de faire un maigre délicieux. Un vrai maigre de cardinal ! Ils ressemblaient à cette Napolitaine qui disait que son sorbet était bon, mais qui l’aurait trouvé meilleur s’il avait été un péché. Et que dis-je ? un péché ! Il aurait fallu qu’il en fût plusieurs pour ces impies, car tous, tant qu’ils étaient, qui venaient s’asseoir à cette table maudite, c’étaient des impies, — des impies de haute graisse et de crête écarlate, de mortels ennemis du prêtre, dans lequel ils voyaient toute l’Église, des athées, — absolus et furieux, — comme on l’était à cette époque ; l’athéisme d’alors étant un athéisme très particulier. C’était, en effet, celui d’une période d’hommes d’action de la plus immense énergie, qui avaient passé par la Révolution et les guerres de l’Empire, et qui s’étaient vautrés dans tous les excès de ces temps terribles. Ce n’était pas du tout l’athéisme du xviiie siècle, dont il était pourtant sorti. L’athéisme du xviiie siècle avait des prétentions à la vérité et à la pensée. Il était