Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/349

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et la manière dont Mesnil l’avait reçu et planté là, quand il lui avait demandé des explications. Il comptait bien revenir sur cette chose stupéfiante dont il avait été témoin, et qu’il tenait à éclaircir, en présence de tous les conviés du vendredi qu’il régalerait de cette histoire. Le capitaine Rançonnet n’était pas le plus mauvais garçon des mauvais garçons de la bande des vendredis. Mais il était l’un des plus fanfarons, et tout à la fois des plus naïfs d’impiété. Quoiqu’il ne fût pas sot, il en était devenu bête. Il avait toujours l’idée de Dieu dans l’esprit, comme une mouche dans le nez. Il était, de la tête aux pieds, un officier du temps, avec tous les défauts et les qualités de ce temps, pétri par la guerre et pour la guerre, et ne croyant qu’à elle, et n’aimant qu’elle ; un de ces dragons qui font sonner leurs gros talons, — comme dit la vieille chanson dragonne. Des vingt-cinq qui dînaient ce jour-là à l’hôtel Mesnilgrand, il était peut-être celui qui aimait le plus Mesnil, quoiqu’il eût perdu le fil de son Mesnil, depuis qu’il l’avait vu entrer dans une église. Est-il besoin d’en avertir ?… la majorité de ces vingt-cinq convives se composait d’officiers, mais il n’y avait pas à ce dîner que des militaires. Il y avait des médecins, — les plus matérialistes des médecins de la ville, — quelques anciens