Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/400

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fait naître, devenaient, comme disent les peintres, du ton de l’intérieur des fraises. Ses cheveux, appesantis par la chaleur, croulaient lourdement sur sa nuque dorée, et elle était belle ainsi, déchevelée, négligée, languissante à tenter Satan et à venger Ève ! À moitié couchée sur un guéridon, elle écrivait… Or, si elle écrivait, la Pudica, c’était, pas de doute ! à quelque amant, pour quelque rendez-vous, pour quelque infidélité nouvelle au major Ydow, qui les dévorait toutes, comme elle dévorait le plaisir, en silence. Lorsque j’entrai, sa lettre était écrite, et elle faisait fondre pour la cacheter, à la flamme d’une bougie, de la cire bleue pailletée d’argent, que je vois encore, et vous allez savoir, tout à l’heure, pourquoi le souvenir de cette cire bleue pailletée d’argent m’est resté si clair.

« — Où est le major ? — me dit-elle, me voyant entrer, troublée déjà, — mais elle était toujours troublée, cette femme qui faisait croire à l’orgueil et aux sens des hommes qu’elle était émue devant eux !

« — Il joue frénétiquement ce soir, — lui répondis-je, en riant et en regardant avec convoitise cette friandise de flocon rose qui venait de lui monter au front ; — et moi, j’ai ce soir une autre frénésie.

« Elle me comprit. Rien ne l’étonnait. Elle