Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/419

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dans le plus beau monde, comme on dit. Parbleu ! cela n’avait jamais lieu comme au théâtre ou dans l’histoire. Mais, à travers les surfaces sociales, les précautions, les peurs et les hypocrisies, cela s’entrevoyait… Je connais — et tout Paris connaît — une Mme  Henri III, qui porte en ceinture des chapelets de petites têtes de mort, ciselées dans de l’or, sur des robes de velours bleu, et qui se donne la discipline, mêlant ainsi au ragoût de ses pénitences le ragoût des autres plaisirs de Henri III. Or, qui écrirait l’histoire de cette femme, qui fait des livres de piété, et que les jésuites croient un homme (joli détail plaisant !) et même un saint ?… Il n’y a déjà pas tant d’années que tout Paris a vu une femme, du faubourg Saint-Germain, prendre à sa mère son amant, et, furieuse de voir cet amant retourner à sa mère qui, vieille, savait mieux pourtant se faire aimer qu’elle, voler les lettres très passionnées de cette dernière à cet homme trop aimé, les faire lithographier et les jeter, par milliers, du Paradis (bien nommé pour une action pareille) dans la salle de l’Opéra, un jour de première représentation. Qui a fait l’histoire de cette autre femme-là ?… La pauvre littérature ne saurait même par quel bout prendre de pareilles histoires, pour les raconter.

Et c’est là ce qu’il faudrait faire si on était