Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/473

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collier de sa volonté pour y retourner. Les irréprochables duchesses qu’il y retrouva lui semblèrent manquer un peu d’accent… Quoiqu’il ne fût pas une bégueule, ce Tressignies, ni ses amis non plus, il ne leur dit pas un seul mot de son aventure, par un sentiment de délicatesse qu’il traitait d’absurde, car la duchesse ne lui avait-elle pas demandé de raconter à tout venant son histoire, et de la faire rayonner aussi loin qu’il pourrait la faire rayonner ?… Il la garda pour lui, au contraire. Il la mit et la scella dans le coin le plus mystérieux de son être, comme on bouche un flacon de parfum très rare, dont on perdrait quelque chose en le faisant respirer. Chose étonnante, avec la nature d’un homme comme lui ! ni au Café de Paris, ni au cercle, ni à l’orchestre des théâtres, ni nulle part où les hommes se rencontrent seuls et se disent tout, il n’aborda jamais un de ses amis sans avoir peur de lui entendre raconter, comme lui étant arrivée, l’aventure qui était la sienne ; et, cette chose qui pouvait arriver faisait surgir en lui une perspective qui, dans les dix premières minutes d’une conversation, lui causait un léger tremblement. Nonobstant, il se tint parole, et non seulement il ne retourna pas rue Basse-du-Rempart, mais au boulevard. Il ne s’appuya plus, comme le faisaient les autres gants jaunes,